Bon, pour ceux qui ne connaîtraient pas le principe, une histoire "écrite à deux mains" c'est une histoireque deux auteurs ont co-écrit. Je fais ça avec une amie qui est en Terminale L. Techniquement, on ne partage les personnages, on crée l'intrigue ensemble, mais, contrairement au cas du RP, on se concerte pour pouvoir décrire les réactions de l'autre. Sans cet espèce de power-gaming, la lecture ne serait pas assez fluide.
Voilà mon début, je ne posterai pas le sien sans son avis, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez du mien.
Introduction
25 OCTOBRE 2053
20h12
« Ce sont peut-être des amis, peut-être des voisins, ou peut-être vos employés. Ils paraissent normaux, mais possèdent un pouvoir psychique qui les distingue des autres. Cela les rend souvent instables, potentiellement dangereux, envers eux-mêmes mais aussi envers leur entourage. C’est pourquoi, pour eux comme pour vous, n’hésitez pas à nous contacter si vous avez le moindre soupçon au 304.12… »
Jane Dawnied attrapa la télécommande et éteignit le téléviseur, coupant le discours monocorde du Ministre de l’Armée et de la Défense, et observant son fils qui, silencieux, contemplait l’écran noir. Elle soupira, puis repartit dans la cuisine, tout simplement pour laisser à l’adolescent le temps de transformer ses pensées en phrases cohérentes. Elle n’aimait pas laisser Brave seul devant la télévision. D’abord parce qu’il était particulièrement émotif, et ensuite parce qu’il avait un don pour tomber sur tout ce qui était susceptible de l’ébranler. Il pouvait s’agir d’un discours politique, d’une action de propagande, d’une simple phrase dans un téléfilm …
« - Je suis dangereux, Maman ?
- Non, Brave. Tu n’es ni instable, ni dangereux, et ce Ministre s’intéresse à toi pour ça, alors il a tort. »
Jane accompagna sa tirade d’un petit sourire rassurant, ravie de voir disparaître le trouble des yeux délavés de son fils. Brave. Drôle de nom. C’était son mari, Écossais indépendantiste convaincu, qui en avait décidé, en référence au film Braveheart. Une idée très étrange, qu’elle n’avait pourtant pas contrarié, trouvant qu’il était original et symbolique. Si elle avait su … Car, à seize ans, Brave était long d’être "brave", justement, et son prénom sonnait plus comme une désagréable ironie. Lorsque l’inquiétude de l’adolescent parut s’être effacée, elle lui tourna le dos pour retourner à sa cuisine, tandis qu’il montait les escaliers jusqu’à sa chambre. Face à elle, derrière la fenêtre, les fumées sombres qui s’élevaient des usines d’armement de Glasgow tentaient de lui rappeler le longue journée de travail qui l’attendait le lendemain.
26 OCTOBRE 2053
18h43
Jane se hissa sur la pointe des pieds, afin de tenter – sans grand succès – d’apercevoir son mari dans la foule qui se pressait aux entrées du métro. Bien évidemment, l’affluence était telle, à cette heure de sortie du travail, qu’elle ne pouvait même pas espérer pouvoir trouver Kenneth. Mais c’était un vieux réflexe, et chacun sait à quel point ils sont durs à perdre. Elle se glissa entre les passants affairés, son regard se posant sur eux sans vraiment les voir, les jeunes, les vieux, les femmes, les couples, tous ces anonymes qu’elle avait appris à ignorer. Elle se faufila ainsi jusqu’à ce qu’elle puisse enfin présenter son badge et pénétrer dans l’antre bondée du métro. Son mari était déjà là – il lui avait même réservé une place assise.
Jane peina à la rejoindre, tant la foule était compacte à l’intérieur et sur les côtés du véhicule. Elle dut donc bousculer bon nombre de vieillards grognons et d’adolescents tout aussi grincheux, avant d’arriver enfin auprès de Kenneth. Elle allait ouvrir la bouche pour parler quand quelque chose de particulièrement étrange attira son regard. A une dizaine de mètres d’elle, un jeune homme brun, qu’elle ne voyait que de dos, se frayait un passage à travers la foule … en sens inverse. Elle fronça les sourcils, observa l’intérieur du métro, scruta le sol, aperçut un fil. Un fil rouge. Puis un autre, noir. Jane ne mit pas longtemps à comprendre. Mais il était trop tard. Alors qu’elle se tournait vers les passagers pour crier un avertissement, son regard se posa un dernière fois sur les cheveux noirs qui s’éloignaient d’elle.
Puis le monde explosa.
Partie I
26 OCTOBRE 2053
21h27
« Le train électro-porté à direction de Nantes vient d’arriver en gare, quai 12-I »
Brave sursauta lorsque la voix féminine désincarnée fit son annonce dans les haut-parleurs dissimulés par le mur contre lequel il s’était appuyé. Il s’en éloigna prudemment, et songea avec inquiétude que si quelqu’un l’avait vu, il allait sans doute trouver sa présence étrange. Toutefois, apercevant enfin un banc sur lequel il restait une place, l’adolescent se dirigea vers lui d’un pas nerveux, et s’y installa en tentant d’ignorer les regards inquisiteurs que lui jetaient ses voisins. Presque deux heures qu’il était en officiellement fuite, et cette situation commençait déjà à lui peser …
« Nous sommes en direct de Londres, où un attentat semblable à ceux de Glasgow et de Belfast vient de se produire. Les autorités dénombrent plus d’une centaine de morts, mais nous n’avons aucune information fiable sur la nature de ce drame, car l’accès au métro est interdit aux journalistes ; des rumeurs prétendent cependant qu’il s’agirait d’une action de terroristes américains, qui… »
Brave quitta l’écran du téléviseur des yeux, amer. Cette stupide journaliste se fichait bien de ce qui pouvait lui arriver, à lui, qui n’avait même plus de parents … Et ses premières heures en tant qu’orphelin n’avaient pas vraiment été de tout repos. Les hommes en blanc étaient arrivés à dix-neuf heures et, persuadé qu’il s’agissait de ses parents – ils rentraient toujours à cette heure-là – Brave était allé leur ouvrir la porte en toute innocence. Ils n’étaient pas armés, mais de simples mots sont parfois pires que des fusils d’assaut. En à peine une minute, la vie de Brave avait été réduite à néant. Plus de famille. Plus de protection. Plus rien. La crise qui l’avait agité avait été à la hauteur du désastre. Monumentale. Il avait mis plus d’un quart d’heure à se calmer et avait quitté la maison en vitesse. Laissant derrière lui quatre silhouettes blanches inertes. Les deux hommes qui l’attendaient à l’extérieur étaient nettement plus vifs, mais ils n’avaient pas réussi à l’arrêter lorsqu’il était passé en trombe devant eux. Après avoir couru suffisamment longtemps pour espérer les semer, l’adolescent avait erré plus d’une heure dans les rues de Glasgow, s’était perdu une bonne dizaine de fois, puis ses pas l’avaient conduit jusqu’à la gare. Comme une légère bruine commençait à tomber, il s’y était réfugié, présumant sans doute qu’il pourrait se fondre dans la masse des voyageurs.
« Le train jumelé à direction de Nantes arrive en gare, quai 12-J. Billets encore disponibles au guichet C » fit la voix désincarnée.
Brave s’était redressé. ‘‘Jumelé’’ était un terme qu’il connaissait, sa première lueur d’espoir dans les ténèbres qui semblaient avoir englouti sa vie. Si ces souvenirs étaient exacts, ce train, qui avait la même direction l’électro-porté qui le précédait, était plus lent et, surtout, moins cher. Sauf que Nantes, ça faisait loin … Son regard tomba alors sur deux manteaux blancs, et ses hésitations disparurent en un instant. Il avança rapidement en direction du guichet, se retenant pour ne pas courir, tandis que ses doigts parcouraient fébrilement la poche de son manteau, à la recherche de l’argent qui devait s’y trouver. Il mit la main sur ses quelques billets au moment même où il arrivait devant la femme rousse qui tenait le Guichet C. Sans un mot, il lui tendit la totalité de ses économies, et elle dut lui en rendre la moitié tandis qu’elle lui glissait son billet et un « Bon voyage » cordial. Les mains moites et tremblantes de l’adolescent peinèrent à attraper la monnaie, mais il ne s’attarda pas et se dépêcha de rejoindre le quai 12-J. Le train ne payait pas de mine. Plutôt étroit en comparaison avec son jumelé, qui devait être d’un confort inégalable, ses couleurs étaient ternies par le temps et par l’usage. En d’autres temps, Brave aurait rit en songeant qu’on les appelait autrefois ‘‘trains à grand vitesse’’. Toutefois, l’heure n’était pas à la plaisanterie, et l’adolescent oublia bien vite l’apparence du véhicule lorsqu’il se glissa dedans, serrant son billet à s’en faire blanchir les doigts. Il le passa devant le lecteur puis, lorsque le voyant de celui-ci vira au vert, il le dépassa distraitement, cherchant déjà une place du regard. L’appareil étant, malgré les économies qu’il permettait, très peu emprunté, il ne tarda pas à trouver un siège vide, pas trop près des fenêtres, dans lequel il s’installa avec un soupir de soulagement et de lassitude mêlée. Le voyage allait être long, sans compter qu’avec les trains jumelés, ils devaient obligatoirement passer sous la Manche …
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